La résistance du fragment contre sa réduction à l’ordre ambiant est ce qui fait l’intérêt de toute photographie. C’est une scène irréductible qui constitue un monde à elle, lancée par sa représentation sur une trajectoire unique, trace d’un moment qui nie sa dissolution dans le flux du temps. Projetée ainsi dans l’espace et le temps, ancrée nulle part, la photographie s’ancre en elle-même, propose au regard qui cherche à l’habiter le phénomène autour duquel, dans son flottement permanent, elle se fait son ordre et se stabilise.
La photographie, cette habitation précaire du regard vagabond.
Peter Köppel, 18 décembre 2020.
Je commence ces temps-ci à fragmenter mes scènes plutôt que de les présenter dans une de ces totalités conventionnelles dont j'ai trop longtemps été prisonnier.
Considérant ici la photographie comme une pratique, c'est d'abord ma propre pratique que j'interrogerai. Ce sera dans un contexte d'écriture, aussi. Il ne s'agit là non pas de fonctions, mais de dimensions mises à disposition par la civilisation environnante à cette vie, la mienne, qui y fait l'expérience de quelque chose qui s'y lance, s'y étend, puis se retire, s'y lance de nouveau, dans des oscillations comme au hasard, développant ainsi ces dimensions pour elle-même, à l'abri de la place publique - sursaturée, elle, constipée même par la multiplication d'images dont la seule raison d'être, c'est d'y circuler.
La photographie, miroir du vécu? Miroir plutôt de cette inquiétude qui habite le vécu de l'animal qui parle - l'animal qui, ayant la langue, tombe dès son plus jeune âge dans la réflexion et découvre non seulement le passage du temps, mais aussi sa propre finitude. Or je constate que jusque là, cette inquiétude, je me la suis plutôt cachée dans mes photographies, via l'illusion narrative surtout: la photographie, gardienne du passé! Via l'illusion essentialiste aussi: la photographie, représentant l'idée incarnée par l'objet ou dévoilant l'être caché de la personne photographiée - via l'illusion esthétique: la photographie, médium du culte du beau! Et, finalement, via l'illusion de la familiarité du monde, de par la représentation - constitutive, parfois - de scènes foncièrement habitables.
ambiance de présence précaire.
Qu'est-ce que j'entends ici par "présence précaire"? Est-ce ce qui, dans sa manière de se montrer, laisse un vide dans le moment présent qui, alors, se "présente" dans sa circularité (circularité neutre, par rapport aux contenus qui n'arrivent pas à tracer sa neutralité, ce qui veut dire ici: sa non-participation "froide" aux dits "contenus")?
Ambiance "coronavirus"
C o n f i n é depuis le 12 mars 2020 dans une maison assez confortable, je produirai ici une photo par jour, dès ce 21 mars. Pendant cette retraite, je suivrai le blog du photographe canadien Patrick La Roque, en quarantaine avec sa famille dans une maison dans les alentours de Montréal, voir ici. Ce photographe est un virtuose du "story telling" photographique. Je n'ose pas encore m'aventurer dans ce domaine. Mais ce sont là mes premiers pas au-delà de la photographie "carte postale" que j'ai trop cultivée jusqu'à présent.
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C'est forcément l'intérieur qui dominera, dans les photos que je prendrai lors de ce confinement qui s'apparente d'un couvre-feu sanitaire, combiné de la fermeture de bien des frontières nationales en Europe, situation où les droits du citoyen sont réduits à un stricte minimum. Combien de temps cela va-t-il durer? L'on ne le sait pas. Mais c'est un état difficile à maintenir pendant longtemps, j'entends par là: des mois.
Le jardin de la maison où je passe le temps de ce confinement.
le cloisonnement...
confinés dedans, la météo change.
La série des photographies relatives au confinement à Jestetten
sera continuée sous la rubrique Jestetten 2020.