Vous photographiez ce que vous aimez. Soit. Or vous concèderez que ce que vous aimez, vous ne le possédez pas. Car la possession tue l'amour. D'où le motif de garder la distance dans vos rapports avec ce que vous voulez continuer d'aimer. Et c'est là qu'intervient la photographie.
Le regard se lance vers l'objet et se fait manger par lui ou le mange. Voilà la distance annulée. La photo la ressuscite grâce à l'intervention de l'appareil qui emprisonne l'objet dans la scène de son apparition du moment, tandis que votre regard continue d'évoluer dans le temps: elle sépare ainsi le regard et l'objet, distance où le désir trouve sa demeure en même temps que le regard est rendu à lui-même, pure conscience de soi respirant l'indépendance précaire d'un animal qui ne saurait se passer ni de son environnement ni de son entourage.
La photographie atteste, prolonge et confirme cette fissure qu'est la conscience de soi dans le flux ininterrompu en soi du présent, elle documente le passage de l'homme, animal producteur de sens.
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